GENESIS
Cinq heures du matin.
La nuit est claire et noire, immobile et sans bruit : tout dort autour de toi.
Et pourtant, tu crois entendre, dans l’Invisible, un sourd gémissement tenace qui émane de toutes parts,
Un grand souffle de voix étouffées qui s’égarent,
Des chaînes de silence que tissent en secret des âmes qui s’enfuient…
Il n’y a pas de vent pour propager le froid.
Il n’y a pas de nuées pour masquer l’étoile qui te regarde, et qui parfois te suit.
Tout te paraît désert, et pourtant, déborde de présence.
D’où viennent toutes ces clameurs que tu perçois sans les entendre ? Où vont ces foules éperdues qui paraissent tomber de la Nuit qui se tait ? Pourquoi ces explosions figées qui gisent sous les ombres ? Et ces éclairs obscurs de tonnerres oubliés qui ne résonnent plus ?
Tu interpelles le Cosmos, qui semble s’écrouler sans fin :
— Que fais-tu, Univers ?
— J’engendre le Monde.
L’angoisse t’étreint. Tu fus cette explosion, tes atomes s’en souviennent. Tu demeures abasourdi par ce que tu n’entends plus. L’ébranlement fut intense, il a surgi, il t’a traversé, il est passé ; mais la tempête invisible du Temps fait tressaillir encore la moindre de tes fibres.
Rien ne bouge autour de toi, et pourtant, tu vibres au rythme de tout ce qui s’est tu et persiste à se taire.
Tu ne fais pas un geste, comme pour mieux écouter ; et pourtant, il te semble marcher sans avancer, emporté dans le tumulte secret des commencements qui ne cessent de s’essayer, craquer, et ressurgir.
Pourquoi, toi ? Pourquoi ces résonances secrètes ?
Qui joue de cette étrange musique dont tu fus un instant le fragile instrument, puis le souffle qui se perd, et bientôt le soupir inaudible ?
C’est en vain que tu écoutes et auscultes la mélodie qui t’a conçu.Le Temps ne répond pas !
La Nuit gémit lentement, longuement, dans le silence qui sourd des cieux inanimés.
Les bruits du jour vont se lever. Le Coucou sonne six fois.
Qu’est-ce que tu fais, ici ?
« Je suis le fruit sanglant de l’Enfantement des Mondes. »
Le Songeur (28-01-2016)
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(Jeudi du Songeur précédent (81) : « PASCAL EN CINQ POINTS… »)
