AFBH-Éditions de Beaugies 
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Les Jeudis du Songeur (102)

LA REPENTANCE, OU LE CAUCHEMAR DU SONGEUR

[Avertissement du Webmaster. Il arrive que des intellectuels engagés renient la nuit ce qu’ils ont professé le jour. Ainsi s’explique que le Songeur, pourfendeur de la Société de consommation et militant de la Décroissance, ait pu, lors d’une nuit de cauchemar, battre sa coulpe face au Tribunal de l’OMC, s’accusant de péchés capitaux dans des termes précis, enregistrés malgré lui par le Cérébro-Scripteur qu’il porte sur lui même en dormant : ]


  • Pardonnez-moi, mes Frères : j'ai péché contre la Consommation !
  • Malgré mes efforts, je n’arrive pas à absorber toute l’électricité nucléaire qu’on me propose à si bas prix.
  • Je fais encore régulièrement pipi pendant les pubs, sur TF1 ou d’autres chaînes.
  • Et ne désactive jamais Adblock plus sur tous les sites que je fréquente !
  • J’ai chanté « Moulinex » – malheur à moi !- en voyant sur l’écran une cafetière Philips.
  • Je ne lis pas les lettres que je reçois en publipostage.
  • Je n’achète pas suffisamment, au risque de fragiliser la croissance du pays.
  • Je dépense parfois trop, au risque de relancer l’inflation.
  • Chez mon dentiste, il m’est arrivé deux fois de feuilleter « Que choisir ? »
  • Je n’ose pas placer mes allocations-chômage dans un fonds de pension.
  • Je doute parfois du Caca-Rente !

  • Je ne prends pas l’ascenseur, sous prétexte que j’habite au premier étage.
  • Je répare mes objets. Je bois l’eau du robinet.
  • Je recouds mes slips au lieu d’en changer.
  • Je fais ma vaisselle à la main.
  • Je prends mon vélo, non ma voiture, pour faire mes courses à côté de chez moi
  • Samedi dernier, j’y suis même allé à pied.
  • Hier, je n’y suis pas allé du tout ! Grâce, grâce, j’implore votre Grâce !
  • J’économise, j’économise ! C’est plus fort que moi, j’économise !
  • J’ai marché pendant deux ans avec la même paire de chaussures.
  • Circonstance aggravante : je n’utilise pas de déodorant…

  • J’ai cru malin de cultiver un potager, pour être sûr de ce que je mange.
  • J’ai entendu, et parfois écouté, les cris d’alarme écologistes !
  • Je me suis surpris à penser que la consommation pouvait être soumission…
  • Au lieu de la vivre comme l’exercice d’une rébellion.
  • Je jeûne une fois par mois !
  • J’ai délibérément refusé Tom-Tom, me prenant pour un pigeon voyageur.
  • Par peur du torticolis, je ne regarde plus les affiches dans la rue.
  • J’ai vu d’un œil sec des enfants pauvres fabriquer les tennis des enfants riches, au lieu de pleurer de joie devant ce haut spectacle de la fraternité humaine.
  • J’ai omis de jeter certaines choses, au motif qu’elles pouvaient encore servir : objets usagés, vieilles personnes, etc.
  • Je confonds parfois papier journal et papier toilettes.

  • L’autre jour, j’ai été pris de mélancolie en entendant la mélodie de Dim !
  • Ce matin, avant d’acheter, j’ai failli... réfléchir.
  • J’ai peine à me persuader que le porno-chic libère la femme.
  • Je ne me sens pas Américain !
  • Je n’arrive pas à convaincre mes amis que les ventes d’armes favorisent la paix.
  • Je n’ai pas perçu le lien entre la croissance économique et la taille de mon pénis.
  • Pendant deux semaines, j’ai refusé mon obole à la Française des Jeux.
  • J’ai bêtement confondu « faire des économies » et « faire marcher l’économie ».
  • Et quand le Ministre des Finances nous demande de voir la « lueur au bout du tunnel », j’ai beau scruter, scruter, je ne perçois rien !

  • Je n’ai pas médité la parole du Sage : « S’aimer, ce n’est pas se regarder l’un l’autre, c’est faire du lèche-vitrines ensemble dans un Centre Commercial ».
  • Ni la sixième Béatitude : « Heureux les consommateurs purs, ils trouveront Dieu dans leur assiette ! »
  • Je pense mal : j’ai rêvé une nuit que la Bourse pouvait n’être pas désintéressée.
  • J’ai aspiré à la Justice sociale, sans tenir compte des contraintes économiques !
  • Au cours de certains matchs télévisés, je m’intéresse au jeu lui-même, omettant de lire les incrustations publicitaires.
  • J’oublie parfois mon devoir d’exporter.
  • Ma confusion mentale m’a conduit à me poser la question : « La mondialisation est-elle une marchandise ? »
  • Quelque chose de satanique en moi m’empêche d’adhérer à l’idée que les intérêts des patrons et ceux des chômeurs sont profondément les mêmes…
  • Et qu’il suffit de faciliter les licenciements pour dynamiser les embauches !

  • Faute de culture-pub, je manque d’idées-shopping.
  • Il m’arrive par facilité, de prendre les transports en commun.
  • Je goûte les œuvres du passé. Je n’arrive pas à m’en désintoxiquer.
  • Je n’arrive pas toujours à refouler en moi l’idée que c’était mieux avant.
  • Ne sachant pas combien je coûte, je ne sais pas comment me vendre.
  • J’ai arraché par mégarde le nom de la marque étiqueté sur mon pull.
  • Je perçois difficilement la parenté qui existe entre le commerce des sens et le sens du commerce.
  • Je ne parviens pas à « penser en euro »...
  • J’ai l’impression stupide que le climat se dérègle.
  • Je lis parfois les titres, à la Maison de la Presse, de la revue, Casseurs de Pub.
  • Je n’arrive pas à booster, en moi-même, le moral des ménages qui s’y cache !
  • Voici enfin l’été, et je n’arrive pas à croire qu’il faut bronzer pour s’éclater
  • Pitié, ô Maîtres du Commerce, je vous en supplie, fortifiez ma foi !

Le Songeur  (16-06-2016)


[Note du Webmaster : nous recommandons aux lecteurs la plus grande discrétion dans la diffusion de cette repentance. L’objectif en est certes salutaire, mais il se pourrait que la seule évocation de certains manquements induise en tentation les âmes faibles, ménagères de moins de 50 ans, adolescents scotchés à Face book, ou citoyens bien adaptés à notre époque, mais qui pourraient se laisser reprendre par un passéisme criminel. D’autant que le Songeur, pris de remords, s’accuse peut-être de crimes qu’il n’a pas même commis !

Nous sommes coresponsables de l’avenir économique de la planète. ]



(Jeudi du Songeur suivant (103) : « CETTE IDÉOLOGIE QUI NE DIT PAS SON NOM… » )

(Jeudi du Songeur précédent (101) : « LA CULTURE, C’EST CE QUI RESTE QUAND ON A TOUT OUBLIÉ » )