IL FALLAIT Y PENSER
Quand on pense aux catastrophes planétaires qui nous divertissent chaque soir,
Quand on pense à tous ces enfants affamés dont 30 000 périssent chaque jour,
Quand on pense qu’il meurt davantage d’automobilistes sur les routes de France que de victimes du terrorisme sur toute la Terre,
Quand on pense que le cosmos est infini mais que le monde est petit,
Quand on pense que la nuit tous les chats noirs deviennent gris,
Et qu’il faut de nos jours, y compris dans Paris, payer pour simplement pouvoir faire pipi,
Quand on pense que le Globe terrestre tourne tous les quatre ans autour du Ballon rond,
Et qu’une minorité de savants, seule, se penche sur la gravitation universelle,
Quand on pense à la pluie que suivent tantôt le beau temps, tantôt le Tsunami,
Quand on pense qu’un musée d’Art Popu va surgir du désert pour richissimes du pétrole,
Quand on pense qu’un pauvre PDG n’a que 4 millions de Bonus pour vendre à un géant américain une entreprise française,
Et qu’un Smicard aujourd’hui, le feignant, mettrait 300 ans pour en gagner autant,
Quand on pense que notre pays exporte de l’essence pour importer du diesel,
Quand on pense que c’est grâce à nos ancêtres cannibales que nous sommes là pour parler d’humanisme,
Quand on pense que, jadis, il n’y avait plus de saison, et qu’aujourd’hui le climat se dérègle,
Quand on pense que le changement lui-même n’est plus nouveau sous le soleil,
Quand on pense qu’un milliard de chinois ne savent pas que Michael Jackson est mort,
Et que certains d’entre eux ignorent même qu’il était pédophile,
Quand on pense que l’argent n’a pas d’odeur, notamment chez les pauvres,
Quand on pense aux milliards qu’on dépense pour nourrir chiens et chats,
Quand on pense à l’incroyable migration des puces qui, en une génération, ont sauté de nos oreillers dans nos ordinateurs,
Quand on pense que les grandes douleurs muettes sont devenues assourdissantes,
Quand on pense que capitalistes et socialistes sont plus que jamais… capitalistes,
Et qu’il n’y a plus que le Pape pour être vraiment communiste,
Quand on pense aux attentats qui ébranlent tous les soirs nos TV en HD,
Quand on pense aux pauvres petites filles mutilées de par le monde,
Quand on pense que je suis un génie, que personne ne le sait, et que je l’oublie moi-même les trois-quarts du temps,
Quand on pense qu’il nous faut tous accéder à l’état de veuf ou veuve pour mesurer enfin les merveilleuses qualités de nos ex-conjoints,
Quand on pense que l’homme pense qu’il pense, et que là s’arrête sa réflexion,
Eh bien, quand on pense tout cela*, on finit par se dire qu’on ne doit sans doute pas être le seul… à penser tout cela.
Le Songeur (9-04-15)
* Liste non exhaustive.
(Jeudi du Songeur suivant (56) : « QUAND TOUT EST LE CONTRAIRE DE TOUT »)
(Jeudi du Songeur précédent (54) : « POUR UNE DYNAMIQUE DE L’IMMOBILISME »)
