AFBH-Éditions de Beaugies 
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Les Jeudis du Songeur (359)

OBJET

Conformément au projet annoncé le 6 juin, nous poursuivons ici la citation d’extraits de quelques mots-concepts qui sont expliqués dans le Dictionnaire portatif du Bachelier :


OBJET. n. m. (du latin objectum, « ce qui est placé devant »).

1° Sens concret (usuel). Chose, réalité perceptible à l’extérieur de soi, qu’il s’agisse de choses inertes ou animées. C’est en ce sens que Lamartine déclare aux éléments de la nature qui l’environnent :

« Objets inanimés, avez-vous donc une âme ? »

Plus couramment : chose solide, usuelle, fabriquée par l’homme et destinée à un certain usage. Ustensile, outil, instrument, toute réalité matérielle ayant une unité et servant à quelque chose. Les objets de consommation, les objets d’art. Dans le Système des objets, le sociologue Jean Baudrillard étudie la façon dont l’homme moderne existe à travers ses collections d’objets, et se « signifie » socialement par leur possession. Les expressions « femme-objet » ou « homme-objet » désignent la réduction de la femme ou de l’homme à l’état d’objet ou d’instrument (sexuel par exemple), aussi bien dans des situations de la vie courante que dans le spectacle publicitaire. Dans ce sens, le mot objet (matériel, instrumental) s’oppose au mot sujet (être pensant, libre, autonome, ou considéré ainsi).

Sens abstrait (courant). Ce qui se présente à l’esprit humain comme distinct de lui (cf. l’étymologie) ; ce qui s’offre aux désirs, à l’action, à la volonté humaine. L’objet de la pensée ; l’objet du désir (qui n’est pas forcément un objet usuel concret) ; l’objet d’une démarche (ce que l’on cherche ou recherche ; voir les mots « objectif, but, finalité ») ; l’objet d’un litige (ce sur quoi porte une discussion juridique) ; l’objet d’un discours (le thème, le « sujet » auquel il s’attache ; ce qu’il veut démontrer).

Être ou faire l’objet de : être visé par ; être ce à quoi s’attache la volonté ou l’effort d’autrui ; subir une action. Dans toutes ces expressions, nous retrouvons la distinction entre l’être humain comme sujet (de pensée, de désir, d’action) et la réalité (abs-traite, morale, générale) qui lui est extérieure.

Sens littéraire (classique). La personne aimée. Celle-ci n’est pas considérée comme un objet au sens no 1 (la femme-objet par exemple), mais comme l’objet d’un désir amoureux au sens no 2. L’objet aimé est cet être extérieur auquel le sujet aimant s’intéresse… Quand Phèdre dit de Thésée : « Volage adorateur de mille objets divers », ces « mille objets » représentent toutes les femmes que Thésée a aimées !

Sens psychanalytique. Objet libidinal (voir libido). L’objet est l’être, la partie de l’être, le fantasme associé à cet être, ou encore un élément matériel auquel se relie ce fantasme, en lesquels le sujet investit son désir. Lorsque le « moi » s’aime lui-même, il s’agit d’un désir « narcissique » ; lorsque le « moi » investit son amour au-dehors de lui-même, il s’agit d’un amour « objectal ». Le mot objet garde son sens étymologique (sens no 2), mais sans se limiter à une personne (sens no 3). Lorsque le psychologue s’interroge sur la « relation d’objet » de son patient, il va se demander non pas qui il aime, mais ce que celui-ci aime dans l’être aimé — quelle partie de son corps, quel fantasme amoureux, quelle image inconsciente, quel type de situation rêvée. Ce sera cela, « l’objet », pris au sens large.

Le Songeur  (22-08-2024)



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(Jeudi du Songeur précédent (358) : « NATURE » )