AFBH-Éditions de Beaugies 
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Les Jeudis du Songeur (356)

LES LUMIÈRES

Conformément au projet annoncé le 6 juin, nous poursuivons ici la citation d’extraits de quelques mots-concepts qui sont expliqués dans le Dictionnaire portatif du Bachelier :


LUMIÈRES (philosophie des). Les Lumières (Aufklärung en allemand) désignent un mouvement intellectuel européen qui a dominé le XVIIIe siècle, se développant sous l’impulsion des « philosophes » aussi bien en France qu’en Allemagne ou en Angleterre. On parle couramment de « siècle des Lumières ». Ses principaux représentants ont été en France Montesquieu, Voltaire, Diderot, les Encyclopédistes et, à sa façon, Rousseau (qui occupe une place à part, cf. N.B.). Les « Lumières » sont à la fois les facultés de l’esprit humain (raison, intelligence) et les idées, les savoirs qui « éclairent » l’humanité (lui permettant de sortir de l’obscurantisme des siècles précédents). La philosophie des Lumières se caractérise par :

La suprématie de la raison. « La raison est à l’égard du philosophe, dit Dumarsais, ce que la grâce est à l’égard du chrétien ». Cette raison n’est pas la simple raison « raisonnable » des moralistes classiques. Elle est la raison critique, la raison scientifique, rationnelle, qui s’appuie sur les faits pour en tirer des lois objectives.

La foi dans le progrès. Les progrès scientifiques (fruits de la raison et de l’expérimentation) convainquent le philosophe que le progrès peut s’étendre à toutes les dimensions de la vie humaine : artistique, culturelle, morale, sociale et politique. Cette foi dans le progrès, qui est une foi dans l’avenir, s’accompagne d’une critique systématique de l’autorité et de la tradition. Chacun est libre d’appliquer sa raison critique aux « vérités » établies par l’autorité des Anciens : le principe de libre examen joue dans le domaine religieux, où il s’oppose au dogmatisme, au fanatisme, et en particulier, au pouvoir de l’Église. La critique de la tradition, de l’ordre politique légué par la tradition, est consubstantielle de la notion de progrès. L’idée que l’on peut progresser aussi dans le domaine des institutions politiques prépare et légitime les aspirations révolutionnaires.

Un nouvel humanisme. L’homme n’est plus seulement sa nature individuelle. L’épanouissement humain n’est plus une affaire de salut personnel. Pour le philosophe du XVIIIe siècle, l’homme, ce sont les hommes. C’est-à-dire d’une part la société à laquelle il participe, qu’il cherche à aimer et à servir pour en faire un lieu de justice, de tolérance et de fraternité : « La société civile est pour ainsi dire une divinité pour lui sur la terre » (Dumarsais) ; mais aussi le monde planétaire auquel il appartient : le philosophe se sait membre de l’Humanité en marche. Il adhère le plus souvent au cosmopolitisme. Il connaît la relativité des mœurs et des lois sur la terre, et donc est convaincu que les mœurs et les lois peuvent être partout améliorées. Les valeurs humaines fondamentales (celles des Droits de l’Homme), dégagées de l’héritage chrétien, fondent un humanisme nouveau, laïque, centré sur les réalités terrestres, visant la libération de l’Humanité et la construction de l’Homme.

N.B. Ces généralités sur la philosophie des Lumières sont à nuancer dès que l’on s’intéresse à un philosophe en particulier. Les différences sont en effet importantes de l’un à l’autre. Rousseau par exemple, qui ne croyait guère au progrès de la civilisation, a sans doute les positions les plus radicales dans le domaine politique. Les attitudes sont de même très diverses sur le plan religieux : alors que Montesquieu demeure chrétien, Voltaire et Rousseau adhèrent au déisme, tandis que Diderot milite pour l’athéisme.

Le Songeur  (01-08-2024)



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(Jeudi du Songeur précédent (355) : « LA LOI » )