Tu connais la nouvelle ? Je viens tout juste de l’apprendre :
Un jour fort proche, nous allons renaître !
Jusqu’alors, tout était mieux avant :
Maintenant, tout sera mieux qu’avant…
On pourra tout revivre, tout repenser, tout comprendre !
La vieillesse elle-même vaudra d’être revécue
Recueillant les ferveurs de sa prime jeunesse
Pimentés de quelques grains de sagesse…
Bach sera toujours nouveau
Et même encore plus beau,
Chopin plus que jamais poignant,
Et Beethoven enthousiasmant…
Nous revivrons nos amours qui n’auront pas flétri
On ne reniera plus nos rêves de l’enfance,
Tout ce qui prendra vie restera pour de vrai
Et nul n’ayant plus
La nostalgie du Paradis perdu,
On aura l’impression de l’avoir retrouvé !
Nous écrirons, lirons, songerons, admirerons
Nous serons habités de la beauté des choses
Que les artistes s’ingénient à reproduire et sublimer.
Les humbles de la Terre, qui font la bonté du monde,
N’auront plus chaque jour sur la machine ronde
À se fondre en sueurs pour irriguer les champs :
Le Cosmos aura éradiqué la souffrance des gens !
Partout la Vie sera Essor,
Sans avoir nul besoin de se nourrir des morts !
La moindre pensée, un simple instant, rien qu’un matin
Seront à chaque fois de vertes aventures !
Les histoires que nous aimions tant nous voir racontées
Ne pourront plus avoir de tristes fins…
Rien ne finira plus dans la Nature !
Les hommes veilleront à ce que
Parmi eux
Personne ne puisse être à jamais séparé…
La Nuit ne sera plus la mort du Jour,
Les soirs resplendiront autant que des aurores !
Les douceurs de l’été à peine monotone
Nous feront désirer les couleurs de l’automne
Et les divers humains se rassemblant aux bords
Des plus fraîches fontaines
Refusant de sombrer dans la mémoire des haines
N’aspireront plus qu’à l’Amour !
En chœur ils chanteront l’appel de la Beauté
Ignorant pour toujours
Le sens du verbe déchanter !
Finies les injustices, finies les guerres,
Finies les récriminations des âges dépassés,
Finie la Cruauté !
On aimera par-dessus tout la Vérité.
La mode sera continûment à l’Innocence,
Et, dans le moindre échange, à la Décence.
Les hommes de pouvoir, frisant l’humilité,
Auront pour la plupart fait vœu de pauvreté.
Les féministes elles-mêmes, enfin calmées,
Seront redevenues si belles
Qu’on ne pourra plus croire qu’elles
Eussent pu autrefois se sentir mal aimées…
Aux plus Petits qui veulent tout comprendre,
Tout apprendre,
Il sera simplement dit que, désormais maintenant,
Les adultes, enfin, étaient devenus grands
Que la Politique, finissant par lasser,
Avait dû pour toujours s’effacer
Faisant place à la Poétique !
Si bien qu’au bout du compte
Ou du conte
L’angoisse n’ayant plus lieu de terrifier la Terre,
Dieu lui-même, fuyant l’Ennui
Du Paradis,
Décidant enfin de vivre parmi nous
S’était réincarné
En Renne, en Chevreuil, ou en jeune et beau Cerf,
D’aucuns allaient même bramant qu’il était né
Le divin enfant !
Trottant dès lors, de ci de là, en monstre espiègle et un peu fou,
Dans l’ombre des fourrés ou la fraîcheur de l’air
Il piétinait parfois, en broutant,
Nos parterres…
Qu’importe, on l’acceptait, il fallait vivre avec son Temps :
Tout était pardonné aux enfants et aux faons !
Quant à moi, étonné, n’ayant plus rien à faire
Ni à dire
Je crois bien que j’avais dû finir
Tristement par me taire…
Le Songeur (17-12-2020)
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