DE L’AUBE DES TEMPS À LA FIN DES MONDES :
QUAND CHOPIN NOUS BALADE
Un léger bruissement de notes insistantes, qui frappent à la porte du Temps pour qu’on leur prête l’oreille. Et voilà que ce rideau de perles agité par le vent s’ouvre sur le silence étrange d’un Éden oublié, lumineux, idyllique, où s’élève, né de deux notes qui vont tout engendrer, le chant sublime du monde commençant, la mélodie de l’odyssée humaine tentant ses premiers pas, à l’ère pastorale…
Non pas la dentelle jolie d’un thème se faisant écho à lui-même (comme l’interprètent certains), mais la nostalgie poignante d’une berceuse natale qui porte déjà en elle la question lancinante de notre destinée et qui tente de s’en consoler d’avance, en reprenant et variant ses propres harmonies.
Avec l’essor du monde, l’émotion s’approfondit, se répète et s’amplifie en cadences fatales, non sans quelques pauses qui ne suffiront pas à stopper l’imperturbable course de l’humanité grandissante au sein d’un cosmos qui se précipite, de cataclysme en cataclysme, jusqu’à un arrêt subit, intersidéral… mais ce faux espoir, pourtant, n’empêchera pas la cavalcade effrénée des troupeaux de la Mort de signer la fin tragique de notre galaxie s’effondrant sur elle-même !
Il est vrai que je m’amuse à fantasmer quelque peu, ayant une fâcheuse tendance à plaquer des programmes ou des significations préétablies sur les musiques que j’entends, alors que, selon certains, l’art musical ne saurait s’expliquer et s’apprécier que par et pour lui-même. Je me livre donc, sciemment, à une lecture purement subjective.
Et cependant, lorsqu’il m’arrive d’écouter Sviatoslav Richter interpréter la Ballade n°4, je n’ai pas l’impression qu’il « joue » du piano, mais qu’il retranscrit ce qui pouvait hanter le cœur de Chopin lorsqu’il écrivait cette œuvre, non pas les intermittences d’une passion amoureuse, mais la projection, peut-être à son insu, d’une vision prophétique de l’Histoire des hommes sur la planète Terre.
Écoutez : https://www.youtube.com/watch?v=h1JxTDGxZ6s
Le Songeur (30-01-2020)
(Jeudi du Songeur suivant (227) : « COMMENT RÉSISTER À DIEU… » )
(Jeudi du Songeur précédent (225) : « LA FENÊTRE DE TROP » )
