Deuil. Ferveur. Fraternité.
Comme chacun d’entre nous, j’ai été abasourdi par les attentats du vendredi 13 novembre. Je ne pouvais d’abord que faire silence devant l’horreur, devant cette réalité cauchemardesque dépassant les songes les plus tragiques.
J’aurais voulu alors réagir, parler, trouver du sens face à cette barbarie impensable. En vain. Ma vieille devise Il faut croire en l’homme malgré l’homme me semblait hors sujet. L’apocalypse sous nos yeux rendait tout le reste dérisoire. Les mots n’avaient plus de sens, ils n’avaient plus de vie. Et c’était bien ce que vise toute barbarie : non pas seulement détruire des hommes, mais détruire l’humanité même en l’homme, et d’abord sa parole.
Quand on ne sait pas quoi dire, il faut aller à l’écoute de la parole de l’autre : elle finit toujours par sourdre quelque part de l’Humanité blessée. Sa parole, c’est-à-dire : ses signes, son secours, sa ferveur, toutes les formes d’expression fraternelle qui, humbles, fécondes, obstinées, ne cessent tant bien que mal de faire reculer l’inhumanité. Y compris chez ceux qui en ont été victimes, comme cet homme en deuil qui refuse la « haine » qui le ferait ressembler à son ennemi*.
J’ai reçu peu à peu, ce week-end, la grande leçon de la solidarité humaine se redonnant du moral à elle-même. Par delà les récupérations politico-médiatiques, j’ai cru sentir dans l’émotion « mondiale » à quel point tout être humain se sent blessé dans sa propre humanité par la barbarie qui frappe l’Humanité à l’autre bout du monde. Une dimension de vie qui triomphera toujours de la mort indigne.
Je me suis souvenu alors de l’aphorisme du médecin François-Xavier Bichat qui constatait : La vie est l’ensemble des fonctions qui résistent à la mort (sous entendu : provisoirement). Mais j’avais aussi en mémoire la formule magnifique que Jean Grosjean lui opposa dans un commentaire de l’Apocalypse, et que voici :
La mort est l’ensemble des forces qui luttent momentanément contre la vie.
F.B.H
* « Vous n’aurez pas ma haine » : http://www.lexpress.fr/actualite/societe/le-mari-d-une-victime-des-terroristes-leur-ecrit-vous-n-aurez-pas-ma-haine_1736497.html